Traitement fonctionnel du syndrome rotulien

Scanner avec produit de contraste objectivant une chondropathie trochléenne interne (flèche rouge).
Scanner avec produit de contraste objectivant une chondropathie trochléenne interne (flèche rouge).

L’évolution des connaissances sur les syndromes rotuliens a permis progressivement de modifier la conduite thérapeutique.

Le renforcement du quadriceps de manière statique en extension du genou et la transposition tibiale de la tubérosité tibiale antérieure du genou ont longtemps donne satisfaction à leur prescripteur. Ces techniques ne résistent cependant pas à une analyse critique.

Le syndrome rotulien ne peut malheureusement pas s’expliquer par une seule insuffisante du vaste interne ni par une simple trouble statique dans le plan frontal. Le dysfonctionnement de l’appareil extenseur, responsable d’instabilité et ou de douleur peut avoir des causes multiples :

– Osseuses : dysplasie ou troubles morphostatiques dans les 3 plans de l’espace.

– Musculaires et ligamentaires : insuffisance ou rétraction musculaire, rétraction ou distension ligamentaire.

Aucun traitement ne peut, à ce jour, régler tous les problèmes.

L’orientation thérapeutique va être en fonction de la croyance du thérapeute. Seule la chirurgie peut traiter une dysplasie ou un trouble morphostatique. Le traitement médical et de rééducation ne peut pas agir sur les causes osseuses.

Devant l’intrication, quasiment toujours retrouvée, des facteurs prédisposant à la pathologie, il nous paraît difficile d’organiser un traitement purement étiologique.

Le traitement doit donc être suffisamment subtil pour pouvoir être le plus souvent étiologique et le plus symptomatique possible.

Le traitement médical et le traitement de rééducation nous semble le plus souvent adapté en première intention. Il doit permettre de guérir ou d’améliorer un grand nombre de patients et de sélectionner les patients devant bénéficier de la chirurgie.

Bilan en vue de la prescription de la rééducation

La réalisation d’un bilan en vue de la prescription de la rééducation nous paraît indispensable. Ce bilan doit permettre de prescrire et de suivre la rééducation.

La thérapeutique proposée doit avoir une finalité établie et son action doit pouvoir être vérifiée.

Evaluation de la douleur

La douleur doit être quantifiée (de 0 à 10) lors des différentes activités du patient

– Douleur nocturne

– Douleur lors des activités de la vie

– Douleur lors des loisirs.

Evaluation de l’instabilité

– S’agit-il de pseudo dérobement par sidération musculaire (lâchage du genou vers l’avant ) ?

– S’agit-il de subluxation

– S’agit-il de luxation vraie : Comment ? Combien?

Evaluation du gonflement du genou

– Appréciation du choc rotulien

– Mesure du périmètre rotulien

Evaluation des causes musculaires et ligamentaires

Evaluation de l’articulation fémoro-tibiale

– Existe-il une laxité postérieure : recurvatum, tiroir postérieur

– Existe-t-il un flexum du genou

– Existe-t-il une hyper-rotation externe de genou

Evaluation de l’articulation fémoro-patellaire

– Rétraction de l’aileron rotulien externe

– Hyper mobilité de la rotule

Evaluation de la hanche

Il existe souvent une asymétrie de rotation (RE >>RI) traduisant un trouble rotationnel au niveau des membres inférieurs.

Evaluation musculaire

Le quadriceps et les ischio-jambiers peuvent être évalués cliniquement par mesure du périmètre de cuisse ou à l’aide du dynamomètre isocinétique.

L’appréciation du vaste interne est essentiellement clinique. On étudie surtout les possibilités de recentrage de la rotule par les fibres obliques du vaste interne. Pour ce faire, l’examinateur subluxe en dehors la rotule, genou en extension, puis demande au patient de contracter son quadriceps. La vitesse de recentrage de la rotule plus que sa force est alors notée.

Evaluation des rétractions musculaires

– Du quadriceps : mesure de la distance talon-fesse en décubitus ventral

– Des ischio-jambiers : mesure de l’angle poplité, hanche fléchie à 90°

– Du fascia-lata en extension-adduction de hanche.

Evaluation fonctionnelle

Il peut s’agir de tests de terrain :

– Gêne à la montée et à la descente des escaliers

– Gêne à la station assise prolongée, voiture, cinéma, restaurant, bureau.

– Gêne à la station debout.

Il peut s’agir d’une évaluation musculaire isocinétique qui donne une idée de la répercussion fonctionnelle de la pathologie sur le travail dynamique du genou.

L’évaluation isocinétique n’est possible qu’en l’absence de douleur et de gonflement importants du genou.(photo:gen023) (photo:gen024)

Prescription du traitement médical et rééducation

A la suite de ce bilan, la prescription thérapeutique devient logique, encore faut-il souligner qu’une rééducation efficace ne peut s’envisager que sur un genou non ou peu douloureux.

1. Traitement de la douleur

Il s’agit essentiellement d’un traitement médical. Il associe un traitement symptomatique au choix du prescripteur à des conseils de repos articulaire relatif :

– Eviter les escaliers, le port de charges lourdes, allonger les jambes en position assise.

– Eviter les genu-flexions et la position accroupie

– Intérêt d’une perte de poids

– Arrêt momentané d’activité iatrogène : ski, tennis, vélo, footing, aérobie, musculation, randonnée en montagne etc…

La prescription d’une orthèse peut s’avérer utile.

La rééducation a une place modérée dans le traitement de la douleur. Au moyen physique connu, cryothérapie, physiothérapie… on peut associer un travail musculaire statique prolongé sans résistance ou contre faible résistance.

Ce travail peut avoir un effet bénéfique en modifiant la perception de la sensation nociceptive et en améliorant la vascularisation locale facteur de cicatrisation. Mais la prise en charge kinésithérapique peut avoir un effet bénéfique sur le fonctionnement psychique de ces patients. Ce n’est alors plus tant les techniques de rééducation employées que la relation thérapeute-patient qui s’installe, qui importent. La rotule est souvent, chez la jeune fille, le reflet de l’âme.

Bien qu’il s’agisse d’un diagnostic d’élimination il faut savoir y penser devant un bilan clinique peu concordant :

– Douleur présente lors du travail, absente lors des loisirs

– Examen peu en rapport avec la symptomatologie évoquée

– Echec des traitements mis en place

2. La rééducation proprement dite

Il associe en fonction du bilan :

– Des exercices d’étirements du quadriceps, des ischio-jambiers , du tenseur du fascia lata, des pelvitrochantériens, de l’aileron rotulien externe.

– Un renforcement musculaire du quadriceps et des fibres obliques du vaste interne, des ischio-jambiers et des rotateurs internes du genou.

– Une reprogrammation neuro-musculaire : travail global du membre inférieur en chaîne cinétique fermée, rééducation proprioceptive proprement dite dont l’objectif doit être de fixer de manière durable un nouveau mode de fonctionnement du genou.

Travail debout en chaîne fermée

Les techniques de renforcement musculaire méritent d’être développées. En effet, si le travail statique intermittent du quadriceps garde son intérêt par son action sur le vaste interne, d’autres exercices peuvent être proposés en fonction des symptômes (instabilité) et du bilan réalisé.

– Au niveau des extenseurs du genou

– Des fibres obliques du vaste interne peuvent être travaillées de manière analytique. Le kinésithérapeute subluxe la rotule du patient en dehors et demande un travail de recentrage de la rotule.

– Il est licite de proposer un travail excentrique du quadriceps en cas d’instabilité rotulienne objective ou potentielle. Lors du mécanisme d’entorse le muscle stabilisateur de l’articulation est sollicité en étirement. Il travaille de manière excentrique. Encore faut-il souligner l’importance de réaliser un travail à résistance et vitesse progressives qui respecte, comme tous travail de renforcement musculaire, la règle de la non douleur. L’existence de lésions chondrales n’est pas une contre-indication absolue, mais elle peut rendre le travail irréalisable.

Un travail dynamique concentrique du quadriceps peut être proposé en fonction des résultats du bilan isocinétique chez des patients sélectionnés. Ce travail peut être réalisé sur toute l’amplitude du mouvement et à différentes vitesses en cas de déficit harmonieux. La progression part d’un travail sous-maximal à vitesse rapide et s’oriente progressivement vers un travail maximal à vitesse lente.

Renforcement isocinétique
Renforcement isocinétique

Il peut être réalisé dans des secteurs angulaires pré-déterminés :

– En bordure d’une zone de conflit. Du fait du phénomène de débordement d’énergie, on est en droit d’espérer une diminution de la zone conflictuelle.

– Dans la zone de conflit. Il faut alors demander un travail à vitesse rapide.

Travail des fléchisseurs du genou : Ce travail est nécessaire en cas de déficit avéré des ischio-jambiers

Travail des rotateurs du genou. Un travail des rotateurs internes du genou est indispensable en concentrique, en statique et en excentrique en cas d’hyper-rotation externe du genou.

Le suivi de rééducation permet de contrôler l’efficacité de la rééducation. Sa durée dépend des résultats obtenus. Il ne sert à rien de prolonger une rééducation bien faite inefficace. Il est dommage d’arrêter brutalement une rééducation qui donne des résultats.

A la fin du traitement, la reprise des activités est discutée avec le patient. Il n’y a pas de recette miracle. Il faut conseiller une reprise très progressive associée à un travail d’entretien musculaire et à des exercices d’étirements.

En fonction de la motivation des patients, une réorientation des activités de loisirs doit être envisagée. En cas d’échec de la rééducation, la chirurgie doit être proposée si le bilan préopératoire permet d’établir son intérêt.