Traitement et prévention de la pubalgie du sportif

Traitement médical et de rééducation de la pubalgie

La pubalgie : une pathologie fréquemment rencontrée dans les sports collectifs de contact
La pubalgie : une pathologie fréquemment rencontrée dans les sports collectifs de contact

La pubalgie se définit comme un syndrome douloureux inguino-pubien de surmenage. Elle regroupe plusieurs formes associées ou intriquées de même étiopathogénie : une forme pariétale orificielle (anneau inguinal) et/ou musculaire (sangle abdominale), une forme pubienne articulaire (symphyse pubienne), une forme sous-pubienne (ténopériostite des adducteurs), une forme spondylo-pubienne associant une spondylose bilatérale à des douleurs pubiennes. L’étiopathogénie et l’étiologie étant encore discutées, le traitement sera symptomatique. Il demande un diagnostic lésionnel précis et comprend toujours un bilan pré-rééducatif.

Le traitement médical et de rééducation dépend des données de l’examen clinique qui détermine la forme de pubalgie, mais aussi du bilan recherchant les facteurs associés qui peuvent être en cause dans la symptomatologie douloureuse.

L’interrogatoire renseigne sur les antécédents du patient (lombalgie, lyse isthmique), l’âge, les motivations du sujet, la valeur sportive et précise le type d’handicap (permanent ou intermittent, sportif et/ou professionnel). La douleur est analysée : siège, intensité, impulsivité à la toux et à l’effort, effet du repos, évolution et traitements suivis. Le bilan morphostatique recherche une hyperlordose, une antéversion du bassin, une inégalité de longueur des membres inférieurs. On apprécie la mobilité du rachis (schöber, distance mains-sol).

Les articulations sacro-iliaques sont examinées. La souplesse musculo-tendineuse est évaluée : ischio-jambiers (en décubitus dorsal, angle poplité à 90° de flexion de hanche), droit antérieur (en décubitus ventral, distance talon-fesse), adducteurs (en décubitus dorsal distance inter-malléolaire et distance entre la face externe du genou et la table d’examen), psoas (recherche flexum de hanche). Systématiquement en position debout et couchée, seront explorés la paroi abdominale (signe de Malgaigne), les orifices herniaires (douleur de l’orifice, déhiscence, expansivité à la toux, à la contraction des abdominaux, des adducteurs), la symphyse pubienne et les insertions des adducteurs. L’examen se termine par le testing des ischio-jambiers, des adducteurs (en concentrique et en isométrique), des rotateurs de hanche, des grands-droits, des transverses et des obliques.

L’examen clinique est complété par un bilan radiologique (bassin de face, rachis lombaire, symphyse pubienne) et un contrôle biologique (numération formule sanguine, plaquettes, vitesse de sédimentation, CRP) dans le but d’éliminer un certain nombre de pathologies de voisinage ou générale : coxarthrose, chondrocalcinose, atteinte inflammatoire (pelvi-spondylite), tumeurs, fracture de fatigue, arrachement épiphysaire….

Les radiographies permettent de différencier les stades de l’ostéo-arthropathie pubienne, la plus rare des localisations de pubalgie Ce bilan permet, dans la plupart des cas, de distinguer deux tableaux cliniques, l’un à prédominance adbomino-pariétale avec ou sans atteinte orificielle et l’autre à prédominance ostéo-tendino-musculaire.

Le traitement conservateur mis en place sera d’autant plus efficace qu’il est instauré précocement, c’est à dire quand la douleur ne gêne pas la pratique sportive, douleur après effort ou cédant à l’échauffement et qu’il ne s’agit pas d’une forme haute, pariéto-abdominale.

 » Phase I : Traitement des phénomènes douloureux  »

Phase II : Traitement des facteurs prédisposants  »

Phase III : reprogrammation neuro-musculaire

I – Traitement des phénomènes douloureux

Le repos sportif prolongé de 1 à 3 mois est indispensable. L’utilisation d’anti-inflammatoires per os, non stéroïdiens dans les formes basses voire stéroïdiens dans les formes hautes est nécessaire. Une infiltration de corticoïdes peut également être proposée au niveau de l’insertion des adducteurs mais aussi, pour certains au niveau de la symphyse pubienne.

Il ne s’agit pas d’une infiltration intra-articulaire mais d’un criblage de la symphyse qui associe les effets de la corticothérapie et la perforation ostéo-périostée. L’absence de véritable concordance radio-clinique entre la symptomatologie douloureuse et l’existence des remaniements radiologiques de la symphyse pubienne doit cependant faire discuter ce geste.

Certaines techniques de rééducation ont un effet adjuvant intéressant.

– Les massages transverses profonds ou les massages punctiformes de l’insertion des adducteurs ou des grands droits.

– La cryothérapie, les ultra-sons, l’Electrothérapie

Cette phase n’est pas une fin en soit. Elle autorise la réalisation du véritable traitement de rééducation.

II – Correction des facteurs prédisposants

Le programme est adapté au patient. Une correction des troubles morphostatiques est discutée : semelles, talonnettes..

En fonction du bilan réalisé différents traitements sont préconisés.

– Des exercices d’étirements progressifs et prolongés du psoas, du droit antérieur, des pelvi-trochantériens, des ischio-jambiers et surtout des adducteurs.

– Un renforcement des spinaux et des muscles faibles de la sangle abdominale : obliques, transverses.

– L’acquisition des notions de verrouillage et de prophylaxie rachidienne

– Un travail spécifique des adducteurs. La tendinite des adducteurs étant la porte d’entrée de la maladie pubienne.

Le travail de la sangle abdominale peut être source de réveil de la douleur. Il faut éviter la participation des adducteurs. Cela nécessite la collaboration du kinésithérapeute qui bloque manuellement les genoux du patient en flexion-adduction de hanche.

Ce sont les obliques et les transverses qui sont travaillés. La progression s’établit de la course interne vers la course externe et du travail concentrique vers le travail excentrique. Ce travail doit être indolore.

Le travail excentrique peut être source de lésion s’il est mal réalisé. Il faut suivre le protocole proposé par STANISH. Ce travail permet au complexe musculo-tendineux d’améliorer sa résistance à l’étirement et de supporter des contraintes de plus en plus importantes. Il s’agit d’un travail qui se réalise à vitesse et résistance progressivement croissantes. Il débute quand l’étirement passif est indolore (Tableau I)

Le même protocole de renforcement musculaire excentrique est proposé pour les adducteurs. Dès qu’il devient possible de travailler les abdominaux, un programme d’entretien cardio-respiratoire à l’effort est proposé. La pratique de la bicyclette, de l’aqua-jogging avec wet-vest permet au sportif de limiter la perte de ses capacités physiologiques.

III – Reprogrammation neuro-musculaire

Cette phase débute quand la contraction des adducteurs est indolore. La course est autorisée. Un travail de contrôle du bassin sur plan stable puis instable est entrepris. Ce travail fait suite ou peut remplacer le travail excentrique des obliques et des adducteurs.

– Travail sur plan stable. Le patient est assis par terre ou sur une chaise. On réalise un travail de dissociation membre inférieur-tronc puis des exercices d’équilibre du corps.

– Travail sur plan instable.

On retrouve la classique progression des exercices de proprioception qui vont toujours d’une situation d’équilibre satisfaisant vers des situations d’instabilité de plus en plus importante.

Les exercices d’étirements et de renforcements musculaires sont poursuivis à cette phase. La reprise du sport n’est possible qu’après avoir reprogrammer la gestuelle sportive : travail du shoot et du tacle chez le footballeur

Traitement de rééducation après chirurgie

La plupart des chirurgiens s’accorde pour ne débuter la rééducation qu’après 3 à 4 semaines de repos post-opératoire.

La rééducation est mise en route de manière prudente. Elle associe :

– Un travail d’assouplissement des cicatrices : massages, ultra-sons.

– Un renforcement sélectif progressif des obliques et des transverses

– Des étirements des adducteurs et des ischio-jambiers

La reprise du footing est autorisée entre la 7ème et la 9ème semaine si le test d’adduction contrariée est négatif.

Une reprogrammation neuro-musculaire et un travail des gestes techniques précèdent la reprise du sport qui n’est autorisée en général, qu’au cours du 3ème mois post-opératoire.

GILMORE propose un programme de reprise sportive plus précoce. Après une restauration chirurgicale de l’anatomie normale, des exercices de marche sont préconisés pendant les 10 premiers jours. Le jogging est autorisé en milieu de deuxième semaine. Le travail de renforcement des abdominaux et d’étirement des adducteurs commence en 3ème semaine. Le travail de sprint est autorisé en fin de premier mois. L’entraînement est repris dans le courant de la 5ème semaine.

C’est la clinique qui doit guider le thérapeute. Une bonne souplesse des adducteurs, une récupération satisfaisante de la sangle abdominale. Un test de contraction résistée des adducteurs négatif permet la reprise progressive de la pratique sportive. Si le travail d’étirement des adducteurs est précoce, le délai de cicatrisation de la paroi abdominale, la persistance de douleur à la partie basse de l’abdomen retarde, le plus souvent, la réalisation du travail des obliques et des transverses.

Pubalgie et prévention

La fréquence de la pubalgie chez le footballeur de haut niveau rend obligatoire la réalisation d’un travail de prévention. Ce travail nécessite la collaboration du monde sportif. Il nécessite un suivi médical régulier à la recherche des signes précurseurs de la pubalgie : contractures des adducteurs qui imposent une diminution de la charge de travail. Il demande le développement des règles hygiéno-diététiques connus de tous les médecins de terrain : hydratation, alimentation, hygiène bucco-dentaire… Il doit être adapté au sportif qui doit réaliser en début de saison un bilan orthopédique complet. La prévention associe un travail de la sangle abdominale, des étirements des adducteurs, une lutte contre les troubles morphostatiques quand cela est possible. Ce travail doit être réalisé sur le terrain. Si la femme semble protégée vis à vis de cette pathologie, d’autres sportifs peuvent bénéficier de ce travail de prévention. Les escrimeurs, les joueurs de rugby, les cavaliers, les coureurs et les pratiquants d’art martiaux souffrent dans des proportions moindres de pubalgie.

Bibliographie

1. AREZKI. N, ZERGUINI. Y, HEKHALDI. A, ZERDANI. S, MASSE. R, BOURAS. R : La maladie pubienne chez le sportif. Priorité au traitement médical, J. Traumatol. Sport, 8, 91-97, 1991.

2. BENEZIS. C : Syndromes de surmenage spondylo-inguino-pubien. Med et Hyg. 51, 1880-1882, 1993.

3. BRUNET.B, BRUNET-GUEDJ. E; GENETY. J, COMTET. J.J : A propos du traitement des pubalgies. J. Traumatol. Sport, 1, 51-55, 1984

4. BRUNET.B, IMBERT. J.C., BRUNET-GUEDJ. E : Les pubalgies : Etiopathogénie, Diagnostic et traitement médical, In : Muscles, tendons et sport, 249-254, 1985, Masson Ed.

5. CHRISTEL. P, DJIAN. P, WITVOET. J, DESMARAIS. Y : La pubalgie : démembrement, aspects cliniques. Résultat du traitement chirurgical. Sport Med’, 77, 6-11, 1995

6. COCHRANE. G.M : Osteitis pubis in athletes. British J. Sport Med’, 5, 233-235, 1971

7. DUREY. A, RODINEAU. J : Les lésions pubiennes des sportifs, Ann. Med. Phys, 19,3, 282-291, 1976.

8. DUREY. A. Aspects cliniques de la pubalgie du sportif, J. Traumatol. Sport, 1, 46-50, 1984.

9. FYFE. I, STANISH. WC : The use of eccentring training and stretching in the treatment and prevention of tendon injuries, Clin. Sports Med’, 11, 3, 601-624, 1992.

10. GALIBERT A, ROUILLON. O : La pubalgie :  » La station debout oblige « . Proposition de protocole de prise en charge en rééducation, Sport Med’, N° 38, 6-9, 1992.

11. GILMORE. O.J.A : L’aine de Gilmore. Dix années d’expérience en rupture inguinale. Sports Medicine, 1, 4-8, Media-Medica, Newbourne House, 51 west Street, Chichester Sussex Ed.

12. GUILLEN-GARCIA. P, CONCEJERO-LOPEZ. U : Osteopathie dynamique du pubis. Sport Med’, 77, 12-14, 1995

13. HERMAN. S, LANDREAU. P : Place au traitement chirurgical dans la pubalgie, Sport Med’, 46, 6-9, 1992

14. IMBERT J.C : Les pubalgies : Le point de vue du chirurgien. In Muscles, tendons et sport, 255-259, 1985, Masson Ed.

15. JAEGER. J.H : La pubalgie du sportif : Le traitement chirurgical, J. Traumatol. Sport, 1, 56-59, 1984

16. JENOURE.P, SEGESSER. B, LUTHI. U, GREMION. G : Les pubalgies. Pains of the Groin area, Cinésiologie, 33, 154, 57-61, 1994.

17. STANISH. W.D, RUBINOVICH. R.M., CURUM. S : Eccentric exercise in chronic tendinitis, Clin. orthop. 208, 65-68, 1986

18. TAYLOR. J : Abdominal musculature abnormalities as a cause of groin pain in athletes, Am. J. Sports Med’, 3, 239-242, 1991.

19. WILLIAMS. J.G.P. : Limitation of the hip joint movement as a factor in traumatic osteitis pubis. British J. Sport Med’, 12, 129-133, 1978.

20. ZUINEN C., VANDERLINDEN C., GILSON. M, COLLART. E : Le syndrome spondylo-pubien. J. Traumatol. Sport, 7, 18-24, 1990.

21. La pubalgie et sa prévention : Rapport de la commission centrale médicale de la Fédération Française de Football (1983)