Douleurs après ligamentoplastie du genou (ligament croisé antérieur)

Auteurs : L. Savalli et coll

Dernière mise à jour le 06/07/2020

Plusieurs facteurs peuvent influencer la survenue de douleurs après ligamentoplastie du ligament croisé antérieur (LCA), à savoir des facteurs liées à la prise de greffon, à la technique chirurgicale et à la rééducation.
Les progrès des techniques chirurgicales en matière de ligamentoplastie du ligament croisé antérieur (LCA) et l’évolution des programmes de rééducation ont permis de diminuer l’incidence des douleurs post-opératoires à court et plus long terme, avec des délais de récupération voire de reprise du sport qui se sont raccourcis sur les quinze-vingt dernières années. Pendant de nombreuses années, la technique utilisant le transplant libre au tendon rotulien est demeurée la référence ou «gold standard » en matière de ligamentoplastie du LCA et le reste encore aujourd’hui pour de nombreux auteurs. Mais le caractère iatrogène de cette ligamentoplastie pour l’appareil extenseur a conduit à la recherche de techniques chirurgicales alternatives. C’est ainsi que la plastie utilisant le droit-interne-demi-tendineux (DIDT) s’est progressivement imposée aux dépens de la plastie par transplant libre au tendon rotulien, pour arriver à un équilibre, où, à ce jour, les 2 techniques sont à peu près également représentées, la technique DIDT donnant des résultats fonctionnels équivalents, au prix, peut-être, d’une correction un peu moins bonne de la laxité antérieure.
La moindre incidence des douleurs antérieures après ligamentoplastie type DIDT a été objectivée par de nombreuses études. Mais les douleurs antérieures, bien que les plus connues, ne traduisent pas toujours une pathologie de l’appareil extenseur.

Si la survenue d’une douleur dans les suites immédiates d’une ligamentoplastie du LCA relève avant tout de l’analgésie péri-opératoire, l’apparition d’une douleur au cours du programme de rééducation nécessite un diagnostic étiologique et, en premier lieu, un aménagement de celui-ci dans le sens de la « non-douleur ». Car à tous les stades, qui séparent l’intervention de la reprise du sport au plus haut niveau, le principe du vieux dogme de la « non-douleur » demeure de mise en matière de rééducation des plasties du LCA, et doit le rester même pour les partisans des protocoles dits accélérés.
Si certaines douleurs post-ligamentoplasties ne sont pas spécifiques de la technique chirurgicale, un bon nombre d’entres elles découlent du type de greffon utilisé, raison pour laquelle il importe de posséder une connaissance assez précise des différents modes opératoires, ainsi que des contraintes mécaniques inhérentes à la rééducation.

1 – Les douleurs liées à la prise de greffon

1 – 1 Aux dépens de l’appareil extenseur

Les douleurs de l’appareil extenseur sont principalement l’apanage des ligamentoplasties aux dépens du tendon rotulien et sont directement la conséquence de la prise du greffon tendineux et osseux. Il est difficile d’en connaître la fréquence, dans la mesure où les douleurs liées à la prise du greffon sur l’appareil extenseur sont fréquemment intriquées aux douleurs fémoro-patellaires et où les auteurs ne s’embarrassent, habituellement, pas pour en faire la distinction, préférant parler de douleurs antérieures, lesquelles dépassent elles-mêmes le simple cadre des douleurs de l’appareil extenseur. Il est vrai qu’il n’est pas toujours aisé d’en faire le diagnostic différentiel.

Le retentissement fonctionnel est plus ou moins marqué, essentiellement dans la pratique sportive mais parfois également dans les activités de la vie quotidienne et professionnelle, notamment lorsque le métier implique un travail à genoux (carreleur, maçon,…).

La symptomatologie douloureuse peut être en rapport avec une tendinopathie rotulienne, ou plus rarement quadricipitale si la prise de greffon concerne le tendon quadricipital.
Il peut s’agir d’une tendinopathie en plein corps tendineux ou bien d’insertion tibiale ou rotulienne. Il n’est pas rare de rencontrer des douleurs au niveau des prises de greffon osseux à la face antérieure de la rotule ou bien sur la TTA.

La prise du tiers moyen du tendon rotulien pour la reconstruction du LCA constitue indiscutablement un geste iatrogène pour l’appareil extenseur même si le greffon prélevé os-tendon-os réunit probablement les meilleures propriétés mécaniques que le chirurgien est en droit d’attendre de son transplant. Il existe d ‘importants remaniements succédant à la prise du greffon tendineux rotulien dans les mois suivant l’intervention. Il existe un élargissement post-opératoire conséquent du tendon rotulien. Cet élargissement s’accompagne également d’un épaississement. A 18 mois de l’intervention certains tendons ont un élargissement encore de 60 à 70% supérieur au tendon controlatéral. Ce remaniement du tissu tendineux suggère la prudence dans la conduite de la rééducation qui requière l’exclusion des exercices trop contraignants pour le tendon rotulien pendant cette phase d’adaptation, où les propriétés mécaniques du tendon sont altérées et le module d’élasticité dramatiquement réduit encore 6 mois après l ‘intervention. Néanmoins l’application de contraintes mécaniques modérées, par le jeu d’une rééducation précoce, permet au tendon rotulien de cicatriser dans les meilleures conditions en adaptant progressivement ses caractéristiques histologiques et ses propriétés biomécaniques en fonction des impératifs fonctionnels. Ce principe de progressivité dans l’introduction des contraintes mécaniques est fondamental pour prévenir la survenue, à court et à plus long terme, de douleurs tendineuses, en particulier sous-rotuliennes.
Certains remaniements pathogènes secondaires, comme des calcifications sous rotuliennes, peuvent être objectivés sur les clichés radiographiques mais celles-ci ne sont pas forcément corrélées à une symptomatologie douloureuse.
Le diagnostic de tendinopathie rotulienne doit être étayé à partir du trépied clinique habituel : douleur à la palpation, à l’étirement et lors de la contraction résistée.
La prévention des tendinopathies repose sur le contrôle de la charge de travail en post-opératoire et la nature des exercices réalisés. Il faut privilégier les exercices en chaîne fermée, sur un mode isométrique, au début. Le traitement repose sur l’aménagement du programme de rééducation qui doit être infra-douloureux, sur l’utilisation des soins physiques et notamment de la cryothéapie et sur l’usage des AINS par voie locale voire par voie générale, au besoin.

Au stade de la chronicité, le traitement repose, sur l’utilisation des ondes de choc. Nous utilisons pour notre part les ondes de choc radiales qui apportent un résultat satisfaisant dans 2/ 3 cas à court et moyen terme, avec un bénéfice qui semblerait se maintenir à long terme. Par ailleurs, il faut évoquer l’intérêt des programmes de renforcement excentrique du quadriceps, selon les principes de Stanish, progressifs en intensité et en vitesse, dont Patrick Middleton a apporté une adaptation sur dynamomètre isocinétique. L’intérêt de ce type de travail musculaire est de modifier, tout au long du protocole mis en oeuvre, les propriétés mécaniques du tendon pour le rendre mieux apte à supporter les contraintes notamment excentriques pouvant s’exercer lors de la pratique sportive.

1 – 2 Aux dépens des ischio-jambiers internes

Ces douleurs sont l’apanage des ligamentoplasties utilisant le Droit interne et le demi-tendineux. Elles sont très fréquemment rencontrées en post-opératoire immédiat, du fait du traumatisme tendino-musculaire lié à la prise de greffon, et se présentent sous la forme de douleurs postérieures de la cuisse irradiant parfois à la racine postéro-interne du mollet. Il peut s’agir de douleurs spontanées ou survenant aux moindres sollicitations mécaniques des ischio-jambiers. En quelques jours les douleurs vont progressivement disparaître. Mais les ischio-jambiers demeurent fragiles pendant plusieurs semaines et la survenue d’un épisode douloureux aigu hyperalgique de type « pseudo-claquage musculaire » n’est pas rare. Le mécanisme traumatique en cause est alors souvent anodin comme le fait d’enfiler une chaussette, de se lever d’une chaise, de se pencher en avant ou simplement de s’étirer au réveil dans son lit…Un mécanisme plus violent comme une glissade est parfois en cause.
La prévention repose sur la protection des ischio-jambiers par l’utilisation des cannes anglaises en post-opératoire voire par le port d’une orthèse. Il faut être prudent quant à l’introduction de contraintes mécaniques sur les ischio-jambiers qui doit être cependant précoce avec augmentation progressive de la résistance en fonction du seuil de la douleur.
En cas d’épisode douloureux aigu à type de « pseudo-claquage », le traitement repose sur l’aménagement du programme de rééducation dans le sens de la non douleur, voire la mise en décharge partielle, la cryothérapie et la prescription de décontracturants musculaires voire d’antalgiques.
A distance de l’intervention, les douleurs peuvent revêtir la forme d’une symptomatologie récurrente, parfois à type de crampes, lors des sollicitations mécaniques des ischio-jambiers. L’existence d’une faiblesse musculaire est alors souvent retrouvée cliniquement par un testing en décubitus ventral à 90° de flexion et peut être confirmée par un test isocinétique. Le traitement repose sur la mise en œuvre d’un programme de renforcement progressif des ischio-jambiers sur un mode concentrique et surtout excentrique, selon les principes de Stanish, en association à des étirements pluri-quotidiens. Ce type de programme de rééducation permet de venir à bout de ces douleurs.

2 – Les douleurs d’origine fémoro-patellaire

L’incidence de cette complication est très variable selon les auteurs.
Le syndrome fémoro-patellaire peut se rencontrer, après tout type de ligamentoplastie mais plus fréquemment lorsque le greffon a été prélevé aux dépens de l’appareil extenseur. Il s’agit parfois d’une symptomatologie fémoro-patellaire, plus gênante que douloureuse, à type de craquements (« patellofemoral crepitus ») ou de pseudo-blocages mais la manière dont celle-ci est appréciée par le clinicien peut expliquer, en partie, la grande variabilité des chiffres avancés par les auteurs.
Les douleurs fémoro-patellaires qui peuvent survenir au décours d’une ligamentoplastie ne sont pas exclusivement l’apanage, nous l’avons vu, des reconstructions du LCA aux dépens du tendon rotulien, même si elles sont plus fréquemment rencontrées dans ce contexte. Les douleurs tendineuses sont plus souvent liées à la prise de greffon tandis que les douleurs fémoro-patellaires sont multi-factorielles et davantage liées à la reconstruction du LCA

L’amyotrophie du quadriceps, la rétraction des ailerons rotuliens sont des facteurs bien connus pouvant favoriser un syndrome rotulien et contre lesquels il faudra lutter. Le renforcement musculaire doit être réalisé dans la règle de l’indolence. Il est préférable d’exclure tout travail en chaîne ouverte dans les 4 premiers mois post-opératoires. Les exercices de renforcement du quadriceps doivent être privilégiés en chaîne fermée entre 0 et 50° de flexion, car au delà les contraintes fémoro-patellaires augmentent.

Après 4 mois post-opératoires, il peut être utile de proposer un programme de renforcement du quadriceps en chaîne ouverte sur dynamomètre isocinétique en privilégiant un travail à haute vitesse, éventuellement en secteur non douloureux. Quoi qu’il en soit, les programmes de renforcement musculaire du quadriceps doivent s’effectuer selon les règles habituelles de l’indolence. Le mode de travail musculaire isocinétique excentrique, n’est pas toujours bien toléré en cas de syndrome fémoro-patellaire, même lorsque le renforcement s’effectue contre une faible résistance. Ils doivent faire l’objet d’un abandon, le cas échéant. Le travail excentrique sur presse, entre 0 et 50° d’amplitude, est souvent mieux toléré et peut être alors privilégié.
La récupération incomplète de l’extension augmente le risque de survenue de douleurs de l’appareil extenseur, dans la mesure ou le flexum accroît les pressions fémoro-patellaires. La prise en charge d’un flexum s’appuie sur la réalisation d’un travail excentrique des ischio-jambiers selon le protocole établi par Patrick Middleton, en complément d’étirements des ischio-jambiers et d’éventuelles postures d’extension, pluri-quotidiennes, de courtes durées et toujours sans charge.
Il faut enfin signaler, à distance de l’intervention, l’intérêt de réaliser des étirements du Droit-antérieur en cas de rétraction, laquelle rétraction, fréquemment rencontrée, est susceptible de constituer un facteur favorisant du syndrome rotulien.

3 – Les douleurs liées à des contraintes mécaniques s’exerçant sur le transplant et ses points d’ancrage

L’existence d’un flexum est corrélé avec à l’existence de douleurs antérieures. Il importe donc de veiller à la récupération d’une extension symétrique par la pratique de postures d’extension pluri-quotidiennes dès le post-opératoire immédiat.

L’existence d’un conflit mécanique du transplant, du fait d’un mauvais positionnement du tunnel tibial trop antérieur ou d’un mauvais positionnement du tunnel fémoral peut se traduire par des douleurs antérieures et/ou par des douleurs postéro-externes ou postérieures. Les douleurs antérieures peuvent faussement être prises pour des douleurs de l’appareil extenseur tandis que les douleurs postéro-externes ne doivent pas être confondues avec une « tendinopathie du Biceps crural ». Et si les douleurs antérieures par conflit mécanique du transplant sont souvent (mais pas toujours) associées à un flexum, plus ou moins important, parfois de quelques degrés seulement, les douleurs postéro-externes se manifestent préférentiellement en flexion vers 110 ou 120°, lorsque le transplant se met en tension, et peuvent gêner la récupération de la flexion.

4 – Le syndrome de la bandelette de Maissiat

La survenue d’un syndrome de balayage externe est plus fréquent après ténodèse externe au fascia lata mais peut aussi se rencontrer en dehors de toute plastie extra-articulaire, à la faveur des facteurs favorisants habituels (genu varum, rétraction du fascia lata,…) et surtout à la faveur de remaniements fibreux post-opératoires notamment du fait d’un hématome initial important ou du fait de la réalisation du tunnel fémoral par voie externe. La symptomatologie se manifeste par des douleurs externes de type mécanique notamment avec l’introduction du travail dynamique, comme le vélo, mais élément important, la douleur ne limite pas la flexion. La palpation retrouve une douleur externe en particulier sur le condyle externe et sur le trajet de la bandelette de Maissiat vers le tubercule de Gerdy et parfois sur quelques centimètres en remontant vers la racine de la hanche. L’examen est sensibilisé par la mise en tension du fascia lata en positionnant le sujet en décubitus latéral en extension et en adduction de hanche. La réalisation de mouvement de flexion extension du genou sensibilise encore l’examen et réveille une vive douleur à la palpation de la bandelette de Maissiat.
Le traitement repose sur la réalisation d’étirement du TFL en association à des massages de type traits-tirés et US. Le traitement par ondes de choc nous semble particulièrement efficace sur ce type de douleur.

5 – Autres causes

5 – 1 les douleurs liées aux moyens de fixation de la plastie

Dans un certain nombre de cas, le matériel de fixation peut être source de douleurs mécaniques plus souvent avec les ligamentoplasties au DIDT.
Lorsque le matériel de fixation est en cause après ligamentoplastie type DIDT, c’est habituellement au niveau du tibia que se situe le problème, surtout si le moyen de fixation utilisé est une agrafe. Les vis d’interférence peuvent être également en cause, la radiographie de contrôle pouvant parfois objectiver une saillie de la vis d’interférence au niveau de la corticale du tibia. Cette complication avec les vis d’interférence surviendrait dans moins de 3% des cas, le retrait du matériel survenant en moyenne à 16 mois de l’intervention.
L’existence d’une composante extra-articulaire à la plastie ligamentaire, semble corrélée à une incidence accrue de douleurs liées au matériel de fixation fémoral.
Certains auteurs rapportent le risque de formation d’une ossification hétérotopique, extra-articulaire, en regard du tunnel fémoral à l’origine de douleurs locales et gonflement. Cette complication qui survient à la faveur du forage du tunnel de dehors en dedans peut être estimée, selon l’auteur, à une incidence inférieure à 1%.

5 – 2 Neurapraxie du nerf saphène ou de sa branche infra-patellaire.

La lésion de la branche infra-patellaire du nerf saphène interne peut se rencontrer après ligamentoplastie par transplant libre au tendon rotulien ou au Droit Interne Demi-Tendineux et résulte de l’incision du plan cutané nécessaire à la prise du greffon. La lésion nerveuse peut se manifester par des douleurs neuropathiques à type de dyesthésies, paresthésies, allodynie associées à une hypohesthésie dans le territoire du nerf saphène interne au niveau de la face interne de la jambe. La symptomatologie peut perdurer plusieurs mois.
Le traitement repose sur la réalisation de soins physiques à type de désenzitivation, sur l’utilisation de TENS antalgique, celle de topiques locaux à base de capsaïcine et exceptionnellement sur le recours à un traitement médicamenteux de type Gabapentine dans les formes les plus sévères.

5 – 3 Les douleurs chondrales fémoro-tibiales

La survenue de douleurs chondrales fémoro-tibiales peut se voir au décours d’une ligamentoplastie. Elles ont pu, parfois, constituer le motif de consultation initiale avant l’intervention, la ligamentoplastie venant alors, habituellement, en complément d’une ostéotomie ou d’un geste sur le cartilage.
Les lésions chondrales dégénératives sont généralement la conséquence d’une instabilité ancienne et négligée, le compte rendu opératoire faisant état de leur étendue et de leur gravité selon les 3 stades habituels. La réalisation d’une méniscectomie peut avoir précipité la détérioration chondrale, raison pour laquelle le chirurgien se montre le plus conservateur possible en matière de résection méniscale. Par ailleurs, il importe d’éviter de laisser évoluer une instabilité articulaire susceptible de favoriser la survenue de lésions méniscales et chondrales dans des délais d’autant plus courts que le sport est pratiqué à un niveau intensif et dans des conditions particulièrement contraignantes pour l’articulation.
La douleur mécanique, proportionnelle au niveau de contrainte articulaire fémoro-tibiale, s’associe habituellement à une hydarthrose et siège au plan interne ou au plan externe en fonction du siège des lésions cartilagineuses. Dans les cas les plus sévères, la douleur se manifestent lors de la marche en phase portante et peut s’accompagner de boiterie. Parfois elle ne se manifeste que pendant ou après des activités plus contraignantes comme la course à pied.
Le traitement médical repose sur l’aménagement des activités voire sur l’utilisation d’une visco-supplémentation. Le traitement chirurgical doit être envisagé et doit s’appuyer sur une ostéotomie de décharge ou bien sur la réalisation de perforations de type Pridie ou encore de greffes ostéo-chondrales, voire sur la greffe de chondrocytes selon certaines études expérimentales.

5 – 4 Les douleurs méniscales

La survenue d’une douleur méniscale au décours d’une ligamentoplastie est rare car l’existence d’une lésion méniscale associée à celle du pivot central aura donné lieu à son traitement dans le même temps opératoire ou parfois en 2 temps. Néanmoins le caractère arthrogène des méniscectomies, actuellement bien connu, pousse les chirurgiens à être le plus économe possible à l’égard des ménisques. Cette conduite à tenir peut expliquer qu’une lésion méniscale, initialement respectée car stable, puisse à distance se décompenser et induire un syndrome méniscal plus ou moins aigu, sans qu’un traumatisme initial soit forcément retrouvé. Celui-ci va se présenter sous la forme de douleurs internes ou externes mécaniques avec parfois une limitation des amplitudes articulaires dans les derniers degrés d’extension et/ou en flexion. L’existence d’un blocage articulaire est plus rare. Il peut arriver que le sujet se plaigne d’une sensation d’instabilité qui peut être la conséquence de la lésion méniscale. Les signes habituels à l’examen clinique, à savoir douleur à la palpation de l’interligne et surtout signe de coincement permettent d’orienter le diagnostic. La découverte d’un kyste méniscal est également possible. En cas de doute, le diagnostic est affirmé par arthrographie ou mieux par IRM qui a l’avantage de ne pas nécessiter l’usage de produit de contraste en intra-articulaire. Le traitement repose sur l’arthroscopie avec des suites habituellement très simples. Notons qu’il faudra se montrer plus prudent en cas de résection méniscale externe compte tenu du risque d’arthrolyse si la reprise des activités a lieu trop rapidement.

5 – 6 Le kyste mucoïde

Un certains nombres d’auteurs établissent un lien entre douleur postérieure ou postéro-externe, à distance de l’intervention, et découverte d’un kyste mucoïde de la tente des ligaments croisés ou plus rarement pouvant infiltrer le LCA. Ces kystes appelés « ganglio-cyst » dans la littérature anglo-saxone ont une incidence estimée à 0.4 à 1% des genoux symptomatiques bénéficiant d’une IRM. La douleur est le premier signe de consultation, jamais spontanée mais provoquée par la flexion du genou et toujours réveillée par l’activité intenses et les exercices sportifs. L’extension maximale passive est parfois douloureuse. La coexistence possible d’un flexum est liée à une expansion kystique antérieure. Il peut exister des signes associés à type d’accrochage, de ressaut, de craquements. Une hydarthrose modérée est souvent présente.
Le diagnostic est apporté par l’IRM qui permet d’objectiver, le kyste en hypersignal intense en T2. Dans la forme infiltrante, le LCA apparaît élargi avec un renflement fusiforme au niveau du 1/3 moyen. Le traitement repose sur l’exérèse du kyste par arthroscopie.

5 – 7 Douleur ligamentaire

La co-existence, post-traumatique, d’une lésion du Ligament latéral interne avec celle du LCA peut être à l’origine de douleurs internes plus ou moins sévères limitant la récupération de la flexion, surtout si un geste chirurgical a été réalisé sur le LLI, d’où le large consensus actuel des chirurgiens de préférer le traitement orthopédique en cas de lésions associée du plan interne préalablement à la réparation du pivot central.
La douleur peut siéger sur le trajet du LLI et préférentiellement sur ses insertions, le plus souvent condylienne. Une radiographie de contrôle permet de rechercher l’existence d’une calcification. Le traitement repose sur la réalisation des soins physiques habituels et en particulier sur la réalisation de massages transverses profonds (MTP) réputés pour leur caractère douloureux. Les ondes de choc doivent être préférées aussi souvent que possible car remarquablement efficaces sur ce type de douleur, leur réalisation devant être suivie, immédiatement après la séance, par un travail de la flexion en cas de raideur associée. Afin d’en limiter le caractère douloureux, il est souhaitable de recourir à une cryothérapie locale intensive avant et après le traitement.
L’infiltration loco dolenti, en étoile, constitue une alternative au traitement par ondes de choc.

5 – 8 Ostéonécrose du condyle externe

Il s’agit d’une complication très rare. L’existence de douleurs condyliennes externes faisant suite à la reconstruction du pivot central requière la réalisation d’une IRM, examen le plus performant pour dépister une ostéonécrose.

5 – 9 Causes diverses

  • L’hydarthrose du genou, lorsqu’elle est importante, peut être source de douleurs postérieures en flexion, un kyste poplité étant alors fréquemment retrouvé.
  • L’algoneurodystrophie (syndrome douloureux régional complexe) est une cause de douleur bien connue. Toute douleur nocturne, dont l’étiologie n’est pas clairement définie, est suspecte d’être le témoin d’une algoneurodystrophie sous-jacente, surtout si ces douleurs s’associent à des troubles trophiques marqués et à de la raideur. La confirmation du diagnostic par scintigraphie osseuse ou par l’objectivation, sur les clichés radiographiques, d’une déminéralisation osseuse, souvent différée, ne doit pas retarder la mise en route du traitement par calcitonine. La kinésithérapie devra être pratiquée dans l’indolence pour éviter toute aggravation, en insistant sur les soins physiques et en particulier sur la cryothérapie. L’abandon de l’immobilisation articulaire post-opératoire, la reprise d’un appui immédiat et l’évolution des techniques chirurgicales ont permis de faire considérablement régresser cette complication.
    Il faut citer une forme particulière d’algoneurodystrophie, l’atteinte isolée de la rotule dont la survenue est favorisée par la prise de greffon osseux rotulien. Le diagnostic est évoqué devant des douleurs rotuliennes marquées, avec à la radiographie en défilé de l’articulation fémoro-patellaire, une déminéralisation élective de la rotule. Le traitement local revêt dans cette forme d’algodystrophie une grande importance.
  • Nous ne ferons qu’évoquer l’ensemble des tendinopathies du genou, bien connues des médecins du sport, pouvant expliquer certaines gonalgies rencontrées au décours d’une ligamentoplastie, même lorsque la prise du greffon n’est pas en cause. Outre l’appareil extenseur et le hauban externe déjà évoqués, ces tendinopathies peuvent concerner la patte d’oie, le Biceps crural, le muscle poplité et seront pris en charge selon les modalités habituelles.

Conclusion

La prise en charge des douleurs après ligamentoplastie du LCA demeure un objectif prioritaire du rééducateur lorsque celles-ci entraînent des répercussions sur le plan fonctionnel, que ce soit dans la pratique sportive ou dans la vie quotidienne. Plus que la persistance ou non d’une petite laxité résiduelle, non pathologique et fréquemment retrouvée après ligamentoplastie du LCA, ce sont souvent les douleurs qui vont conditionner le niveau de satisfaction du sportif vis à vis de l’intervention et s’opposer éventuellement au retour de ce dernier à son niveau antérieur.
La prévention des douleurs après ligamentoplastie du LCA repose, à part égale, sur les 2 versants chirurgie et rééducation.

Plus que le type d’intervention, la qualité du geste chirurgical et en particulier le bon positionnement des tunnels nous semblent primordial pour éviter tout conflit mécanique intra-articulaire de la plastie, notamment dans les amplitudes maximales. Le soin avec lequel le transplant est prélevé peut permettre de limiter l’incidence des douleurs au niveau des zones de prise de greffon, notamment pour le prélèvement du greffon osseux rotulien selon la technique décrite par Kenneth Jones.

L’autre versant dans la prévention des douleurs repose sur les protocoles de rééducation qui doivent être orientés dans le sens d’une récupération, optimisée dans le temps, des qualités musculaire et surtout articulaire du genou en étant le moins contraignant possible pour la plastie. Ceci suppose de…

  • toujours respecter la notion d’indolence en kinésithérapie,
  • d’accorder une place importante à la lutte contre les troubles trophiques par les soins physiques et l’adaptation permanente de la charge de travail,
  • d’éviter toute technique agressive et forcée de gain d’amplitude,
  • de respecter les données biomécaniques concernant les contraintes mécaniques musculaires s’exerçant sur le LCA mais aussi sur le site donneur du greffon.

Au stade du traitement, il importe d’établir un diagnostic étiologique devant toute douleur invalidante afin d’apporter une réponse thérapeutique adaptée. L’examen clinique doit être minutieux et répété dans le temps. Il permet le plus souvent d’établir le diagnostic et peut suffire pour mettre en œuvre un traitement adéquat, comme celui d’une tendinopathie par exemple. Les examens complémentaires peuvent s’avérer utiles dans certains cas, en premier lieu les radiographies qui peuvent objectiver des signes d’arthrose, des calcifications, une modification de la trame osseuse, une malposition des tunnels osseux,…L’échographie est réservée à l’exploration des parties molles et en particulier à celle des tendons et des muscles. L’IRM est intéressante pour rechercher un « cyclop syndrom », un kyste mucoïde, une lésion méniscale,…explorer l’état de la plastie ou tout simplement celui du cartilage si l’on ne souhaite pas recourir à une arthrographie ou un arthro-scanner plus performant dans cette dernière indication.
Les principes du traitement reposent, au préalable, sur l’aménagement du programme de rééducation dans le sens de la non douleur soit par une diminution de la charge globale de travail, soit par l’éviction de certaines techniques de renforcement musculaire, soit par une baisse des résistances en deçà du seuil de la douleur, soit encore par une modification du secteur angulaire dans lequel s’effectue le travail musculaire.

Les soins physiques regroupant une large palette allant de la glace jusqu’au ondes de choc en passant par les massages tant appréciés par les sportifs, permettent d’apporter une réponse le plus souvent efficace à nombre de problèmes. Les traitements médicaux peuvent venir en complément par voie générale ou par voie locale sous la forme de topiques, d’infiltrations ou de mésothérapie.

La chirurgie conserve une place dans la prise en charge des complications douloureuses des ligamentoplasties, le plus souvent pour procéder à l’exérèse, par arthroscopie, d’une fibrose de l’échancrure, à l’ablation d’une vis de fixation du transplant douloureuse, ou encore à la résection d’une lésion méniscale qui s’est décompensée.

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